27 octobre
Olesia Bida est journaliste à l’unité d’enquête sur les crimes de guerre du Kyiv Independent. Elle a précédemment travaillé comme journaliste chez Hromadske, un média ukrainien indépendant, où elle s’est spécialisée dans les violations des droits humains, l’égalité des sexes et les sujets sensibles. Olesia est titulaire d’un master de l’école de journalisme de l’université catholique ukrainienne.
Des officiers russes de haut rang dirigent des programmes d’entraînement militaire pour les enfants ukrainiens des territoires occupés et supervisent un système de militarisation des jeunes, selon une enquête menée par le Kyiv Independent.
Ces programmes sont organisés par le Centre Warrior pour l’éducation militaire et patriotique, un réseau créé en 2022 sur ordre direct de Vladimir Poutine.
Une enquête menée par l’unité chargée des crimes de guerre du Kyiv Independent a révélé que des adolescent·es ukrainien·nes originaires des régions occupées de Kherson, Zaporijia, Louhansk et Donetsk suivent une formation militaire dispensée par le Warrior Center au camp de défense et de sport Avangard, dans la région russe de Volgograd.
Le centre place les adolescent·es dans des camps d’entraînement militaire appelés « Time of Young Heroes » (Le temps des jeunes héros), dont l’un vise explicitement à préparer les jeunes à servir dans les forces armées russes.
Dans ces camps, les enfants ukrainien·nes sont soumis·es à une discipline stricte et à des exercices de combat. Ils sont formés à piloter des drones, creuser des tranchées, miner et déminer des zones, et utiliser des grenades et des armes à feu.
Dans un témoignage exclusif partagé avec le Kyiv Independent, Oksana, une jeune fille originaire du sud de l’Ukraine, a suivi cette formation en 2024, alors qu’elle avait 16 ans. Son nom a été changé pour la protéger.
L’enquête a également permis d’identifier la structure dirigeante du centre :
Le président du conseil de surveillance du Warrior Center est Viktor Vodolatsky, député à la Douma d’État russe, décoré pour ce que la Russie appelle la « libération » de la Crimée et de Sébastopol occupées. Depuis le début de l’invasion à grande échelle de la Russie, M Vodolatsky s’est rendu dans l’est de l’Ukraine occupé, a inspecté les administrations mises en place par la Russie et a publiquement appelé à la destruction des forces armées ukrainiennes.
Son adjoint et commandant du Warrior Center, Andranik Gasparyan, est colonel dans les forces armées russes et vétéran des guerres en Tchétchénie, en Syrie et en Crimée. Il a reçu deux ordres du Courage et a précédemment commandé la 126e brigade de défense côtière russe. Dès les premiers jours de l’invasion à grande échelle, son unité a participé à l’occupation du sud de l’Ukraine.
Les procureur·es ukrainiens·ne ont émis des actes d’accusation par contumace contre les subordonnés de Gasparyan pour crimes de guerre, notamment des passages à tabac, des enlèvements, des meurtres de civils, des simulacres d’exécution et le viol d’une mineure.
La branche de Volgograd du Warrior Center est dirigée par Igor Vorobyov, ancien lieutenant-colonel du Service pénitentiaire fédéral russe qui a passé 20 ans dans le système avant de se porter volontaire pour combattre en Ukraine en 2022.
Servant dans la 20e division motorisée de la garde, il a commandé une unité d’assaut pendant les combats pour Maryinka dans l’oblast de Donetsk. Après avoir été blessé, Vorobyov est retourné à Volgograd, où il a ensuite pris la direction de la branche locale du Warrior Center.
L’un des instructeurs est Yegor Sokov, un ancien combattant du groupe Wagner qui a participé aux combats pour les villes désormais occupées de Soledar et Popasna, dans l’oblast de Donetsk. Sokov a reçu l’Ordre du Courage et une étoile du mérite militaire de la République centrafricaine. Il enseigne désormais les communications radio à des enfants issu·es des territoires occupés.
L’un d’entre eux, Anatolii Yushko, originaire de Donetsk, était encore écolier lorsque la Russie a envahi le pays en 2014. Yushko a suivi les programmes d’endoctrinement russes et a rejoint l’Armée de la jeunesse (Yunarmiya), un mouvement militaro-patriotique russe destiné aux enfants et aux adolescent·es.
À 19 ans, il s’est porté volontaire pour combattre lors de l’invasion de l’Ukraine, participant à l’occupation de certaines parties de l’oblast de Zaporijia. Après sa démobilisation, il a commencé à former des enfants au Warrior Center.
Rien qu’en 2024, 1 290 enfants ukrainien·nes des territoires occupés ont suivi les programmes de militarisation organisés par le Warrior Center à Volgograd.
Le Kyiv Independent a identifié au moins 2 instructeurs du Warrior Center qui ont directement formé des enfants ukrainien·nes à Volgograd. La plupart avaient pris part à la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine.
Repris de Entre les lignes entre les mots:
Traduit par DE