La voix de l'opposition russe et de la résistance ukrainienne

Russie, Ukraine

Ukraine & Russie : un texte qui accable la prétendue « gauche » post-sovietique

Nestor Makhno, dirigeant anarchiste (1888-1934)

Commentaire de Jean Pierre :

Ollivier a récupéré cet article sur le blog de Médiapart. Il nous intéresse parce qu’ill nous permet de  comprendre le rôle politique des gens de «La paix par en-bas » qui tournent autour de Die Linke, Wagenknecht et du POI. Merci à Ollivier

3 novembre 2025

Cet article est un extrait de l’article de Galina Rymbu, publié par  Hanna Perekhoda dans sa page Facebook, le 28 octobre 2025 à 11h13, en russe. La totalité de l’article de Galina Rymbu est publie sous le titre de « Rien en commun ». Une version traduite automatiquement, non révisée, se trouve à la fin de cet extrait.

Cet article a pour sujet « le travail avec les déserteurs », le principal axe de l’activité d’Andreï Konovalov, membre de la coalition « La paix par en bas » [Мир снизу], et l’un des leaders du parti PSL (Post-Soviet Left), comme il déclare lui-même. Il vit à Cologne, anime sa propre chaîne politique YouTube en allemand, et s’emploie activement à établir une coopération avec les principaux partis de gauche allemands [et en France, NDT]. Dans l’une des émissions diffusées sur la chaîne Rabkor, Konovalov raconte qu’avant de quitter l’Ukraine, il était un partisan du journaliste Anatoli Chari, il ne s’intéressait pas aux idées de gauche, il n’entretenait aucun lien avec les organisations de gauche ukrainiennes, et qu’actuellement, il n’a aucun contact avec les militants de gauche qui se trouvent en Ukraine, car ils déclenchent sur lui « des sensations désagréables, des démangeaisons ». Dans la discussion qui a suivi l’intervention de Liza Smirnova et d’Andreï Konovalov lors du rassemblement à Paris, des camarades ukrainiens ont également fait savoir qu’ils ne connaissaient ni cet activiste, ni ses idées.

Aucune source publique ne permet de confirmer que Konovalov se soit auparavant impliqué dans une activité d’aide juridique ou de défense des droits humains, ni qu’il possède des compétences particulières dans ce domaine. Cependant, depuis 2023-2024, Konovalov mène une « activité de défense des droits de l’homme » publique sur la plateforme du PSL. Il s’occupe de la « défense des droits des Ukrainiens » et des « droits des hommes ukrainiens » dans les institutions politiques européennes. Le site web du PSL a publié les comptes rendus de son intervention au Conseil de l’Europe en juin 2025 et de sa participation (avec Alexeï Sakhnine) à la discussion sur la résolution du Conseil de l’Europe « sur le thème de la guerre en Ukraine ». Dans l’émission de Rabkor consacrée à son intervention lors du rassemblement du 5 octobre et à la discussion sur les livraisons d’armes, Konovalov a également déclaré qu’il préparait des « graphiques pour une présentation à l’ONU » sur « l’abandon volontaire de son unité », ainsi que ses prévisions personnelles (également pour l’ONU) sur l’augmentation du nombre de déserteurs en Ukraine, et qu’il s’efforçait de transmettre à de grands partis allemands tels que « Die Linke » et « Alliance Sahra Wagenknecht » la position selon laquelle les livraisons d’armes ne répondent ni aux intérêts du peuple ukrainien, ni aux intérêts de l’Etat ukrainien.

De même, Viktor Sidortchenko, auteur d’un article excentrique intitulé « L’Ukraine, champ d’expérimentation » publié sur le site du PSL, mène sur cette plateforme une action politique en faveur de l’arrêt des livraisons d’armes européennes à l’Ukraine. Viktor Sidortchenko est un citoyen ukrainien qui réside en Allemagne depuis début 2022. Il a été membre du Parti communiste ukrainien (KPU), mais aussi secrétaire du comité municipal du KPU à Kharkiv et chef du département idéologique du comité régional du KPU. En 2012, il s’est également présenté comme candidat du KPU aux élections à la Rada suprême (Le parlement ukrainien).

Et dès 2014, immédiatement après la révolution de la Dignité, Sidorchenko est devenu l’un des organisateurs des rassemblements de mars de la soi-disant « milice populaire » à Kharkiv, où il a exigé la tenue d’un référendum et « l’autonomie économique, culturelle et historique totale » de la région de Kharkiv (c’est-à-dire la création d’une « république populaire de Kharkiv » [ХНР] par analogie avec celles autoproclamées de « Donetsk » [ДНР] et de « Lougansk » [ЛНР]. Ces rassemblements ont été préparés par le KPU, l’organisation ukrainienne pro-russe « La lutte » [Боротьба], ainsi que par les organisations et mouvements d’extrême droite « La Rus’ trinitaire » [Русь триединая], « L’Orient russe » [Русский Восток], « La grande Rus’ » [Великая Русь] et « Le bastion » [Оплот]. Leurs principaux slogans étaient « Oui à l’union des peuples frères », « Kharkiv exige un référendum » etc. Les manifestants ont brandi des drapeaux russes et scandé « L’aigle » [Беркут, l’aigle bicéphale emblématique de la Russie, NDT], « Russie » [Россия].

En 2014, analysant les activités du KPU fondé sur le « chauvinisme grand-russe », les anarchistes ukrainiens ont remarqué dans l’un des articles publiés sur le site « Le nihiliste » [Нигилист] que :

« Ces dernières années, leur programme se distinguait difficilement du programme classique d’un quelconque parti d’extrême droite. Le KPU s’est systématiquement prononcé en faveur de la peine de mort et de la restriction des droits des minorités sexuelles. Il a mené une politique tatarophobe (et là où il disposait d’une influence réelle sur le terrain, par exemple à Lougansk, il a mené une politique ukrainophobe). Il a soutenu le cléricalisme orthodoxe et encouragé les sentiments antisémites. Le journal « Lecommuniste » [Коммунист] a publié des articles racistes dans lesquels les Noirs américains touchés par le chômage étaient qualifiés de fainéants, et les répressions sanglantes de grévistes au Kazakhstan étaient saluées comme une « lutte contre l’impérialisme ».

Après 2014, Sidortchenko a travaillé comme spécialiste dans l’administration régionale de la ville de Tchouhouïv, comme correspondant de la société ukrainienne d’Etat, d’extraction de gaz [Укргаздобыча], et en 2021, peu avant l’invasion à grande échelle du 24 février 2022, il est devenu chef du service des relations publiques de l’usine Malichev de Kharkiv, l’un des plus grands fabricants d’équipements lourds pour l’armée ukrainienne.

Sidorchenko a quitté l’Ukraine immédiatement après l’invasion, et est aujourd’hui l’une des figures publiques du PSL. Il produit pour le PSL et ses alliés des « analyses politiques » qui portent principalement sur l’évaluation du mouvement de gauche et produit pour le PSL et ses alliés des « analyses politiques » qui portent principalement sur l’évaluation du mouvement de gauche en Ukraine, la « corruption au sein des forces armées ukrainiennes », la mobilisation en Ukraine, et des appréciations assez singulières de sa capacité de défense. Ainsi, dans son article publié sur la chaîne Telegram « allo, Macron » [алло, макрон], Sidorchenko présente les forces armées ukrainiennes comme « des formations armées illégales du régime nationaliste de Kiev », et lors d’une réunion internationale du « Parti des travailleurs de France» [ex-POID, NDT], il a évoqué la nécessité de mettre fin aux « livraisons d’armes à l’Ukraine », qu’il qualifie de « pays typiquement semi-colonial », « incapable par principe de transformer la résistance à l’agression russe en une lutte à l’échelle nationale ».

Konovalov et Sidorchenko, les deux « représentants publics de l’Ukraine » au PSL et « La paix par en bas », soulignent généralement dans leurs discours dans les tribunes de gauche européennes qu’ils sont les seuls à exprimer et à connaître les positions, l’état d’esprit et les aspirations de la majorité ukrainienne et du peuple ukrainien, ainsi que les positions de la gauche ukrainienne.

Les rassemblements « anti-guerre » organisés par le PSL en novembre et décembre 2024 ont été couverts par les médias russophones, allemands, mais aussi ukrainiens. Les manifestations à Berlin, Paris et Cologne « ont été présentées comme des actions contre la dictature en Ukraine » et « contre l’arbitraire du Centre territorial de recrutement et de soutien social [ТЦК] ». D’autres actions à Dublin ont aussi été synchronisées et coordonnées avec celles-ci. L’une de celles de Berlin (celle du 17 octobre 2024) et certaines de Dublin ont été organisées à l’occasion de la Journée internationale des hommes. Le rassemblement de Berlin a été organisé par Andreï Konovalov, membre du PSL. Sergueï Khorolski, l’un des « leaders » de la manosphère russophone, était l’autre coorganisateur notable de l’action.

Sergueï Khorolski est un autre citoyen ukrainien qui a quitté son pays après le début de l’invasion à grande échelle et vit à Berlin. Au début des années 2010, il était acteur et chanteur, et dans l’émigration, il s’est lancé dans des activités de blogueur et de musicien sous les pseudonymes de « Hype » et de « Serioga [diminutif de Sergueï, NDT] Khorol ». Il participe sous son propre nom à la communauté des stands-ups de Berlin aux côtés de féministes et d’activistes de gauche. Il intervient à la radio « La voix de Berlin » [Голос Берлина], il gère plusieurs comptes Twitter, TikTok, Instagram, ainsi que des chaînes radicales YouTube et Telegram.

Si, avant le début de l’invasion à grande échelle, sa création indépendante consistait principalement en des chansons appelant à la violence extrême contre les femmes et les féministes, ainsi qu’au harcèlement sexuel des femmes sur Internet, une nouvelle facette est apparue à ses activités peu avant son émigration: il a commencé à enregistrer de courtes vidéos politiques sur YouTube consacrées aux « droits des hommes », à la « manosphère », à la politique ukrainienne et aux « problèmes liés à la mobilisation ».

Certaines vidéos sont des « parodies » des femmes ukrainiennes réfugiées, ainsi que des femmes que Khorolski qualifie de « patriotes » et de « féministes », ou qui « fréquentent des Arabes ». D’autres sont des « parodies » d’employés du Centre de recrutement et des militaires ukrainiens. On trouve également sur sa chaîne YouTube des vidéos qui racontent les « crimes de Zelensky » et ridiculisent certains hommes politiques ukrainiens et des journalistes libéraux.

Khorolski informe ses abonnés sur sa lutte contre l’« androcide », enregistre des comptes rendus de ses appels à l’ONU et de ses interventions au Bundestag. Il anime des émissions et des débats avec les « leaders de la manosphère russe et ukrainienne » Mikhaïl Zebrong, Alexandre Remiz, Alexandre Ermis (dirigeant du mouvement « Le masculisme raisonnable »), Alexeï Larine-Vorobiev (militant du « Mouvement pour les droits des pères »). Ses émissions et débats sont consacrés à la guerre, aux « droits des hommes » et à la lutte contre le féminisme. Il publie aussi des vidéos en soutien à Arsene Markarian (qu’il qualifie de prédicateur de la manosphère ouvrant les yeux des hommes), et il enregistre des vidéos dans lesquelles il explique les problèmes clés selon lui de la domination des femmes dans le domaine juridique, les dangers de la « pédo-hystérie » et les nuances de la psychologie féminine.

Il y a quelques années encore, les vidéos de Khorolski sur YouTube semblaient plutôt marginales. Ses enregistrements d’amateur sur la façon de passer la Saint-Valentin avec un ami, ou ses chansons sexuellement provoquantes et misogynes ont recueilli en moyenne 400 à 500 vues. Aujourd’hui, sa création musicale comprend les clips [Между нами ТЦК] (Le Centre de recrutement est entre nous), [Ухилянт] (Le déserteur), [Патриотка] (La patriote) etc. qui ont été visionnés des dizaines et des centaines de milliers de fois et sont diffusés sur les chaînes de propagande russes et les chaînes pro-guerre Z.

Les contacts de Khorolski avec les « mouvements de défense des droits des hommes » et les communautés de la manosphère sont de natures diverses : sur le site Web de la « Coalition nationale des hommes », il est désigné comme le coordinateur de la coalition en Ukraine, et c’est là même qu’il a publié en 2023 une déclaration en anglais dans laquelle il raconte comment il s’est échappé d’un « camp de concentration appelé l’Ukraine » et s’est exprimé « contre le génocide et la dictature de Zelensky ». Il a à son actif la chaîne Telegram « Meetings pour les droits des Ukrainiens » [Митинги за права украинцев, NDT] qui servait de plateforme pour l’organisation et la promotion de ses rassemblements conjointement avec le PSL.

Bien que le « groupe de Dublin » et Khorolski déclarent sur leurs chaînes Telegram que leurs rassemblements ont été coordonnés avec celui du PSL à Berlin, le PSL semble prendre ses distances avec le « groupe de Dublin ». Dans le même temps, le PSL a annoncé sur ses réseaux sociaux que la chaîne Telegram « Meetings pour les droits des Ukrainiens » lui appartenait, mais cette chaîne a activement promu les manifestations du « groupe de Dublin », ainsi que le contenu personnel de Khorolski. Peu avant cela, le « groupe de Dublin » avait aussi mené d’autres actions qui avaient attiré l’attention des médias et de l’agence ukrainienne de renseignement OSINT Molfar, tandis que la chaîne Telegram « Vot Tak » [Вот-Так TV, NDT] a écrit que les participants des rassemblements de Dublin et de Berlin coïncidaient en grande partie.

Les organisateurs des rassemblements de Dublin étaient quatre activistes, dont certains se présentent également comme « représentants de la manosphère ». Parmi eux, se trouve Bogdan Chtcheglovitov (qui a aussi coorganisé le rassemblement de Berlin avec le PSL) et Alexandre Remiz (alias Viktor Makhno / Lex Makhno), tous deux de nationalité ukrainienne. Remiz se présente comme un expert en biologie féminine et masculine, un « représentant de la manosphère ukrainienne » et un défenseur des droits des hommes. Il se désigne comme un allié de Khorolski, il anime sa chaîne YouTube Men of the World et une chaîne Telegram radicale du même nom, où les principaux narratifs sont axés sur la lutte contre les femmes, le féminisme, le « génocide des hommes » et autres théories complotistes. Dans ses publications, il qualifie l’Ukraine de « Femopoupéedistan » [Фемокуколдистан, Néologisme associant les notions de femen et de poupée et suffixé par la terminaison des noms des pays d’Asie centrale, NDT], il poste des vidéos sur la lutte contre le « danger gauchiste » et partage régulièrement des contenus provenant des communautés « Front noir » [Черный фронт], « Canal Androcide » [Канал Андроцид] etc. Il a aussi récemment annoncé la création d’une « cellule des Fiers » à Dublin.


Le nom de cette cellule laisse supposer que le « groupe de Dublin » est composé de partisans de Gordeï  [ce prénom signifie fier!, NDT] Armenski, homme politique russe, diplômé de la célèbre université MGIMO qui forme les diplomates russes et fondateur de l’organisation officiellement enregistrée en Russie « La ligue masculine ». Sur ses chaînes, on appelle les hommes à s’« isoler des femmes ». Dans l’une des dernières émissions de Khorolski, Remiz, le leader du « groupe de Dublin », a exposé sa position conspirationniste sur la guerre de la Russie contre l’Ukraine, affirmant que cette guerre est en réalité menée par le matriarcat ukrainien et russe dans le but d’exterminer tous les hommes.

Il s’avère que la coopération politique du PSL et de « La paix par en bas » avec « Le mouvement des déserteurs ukrainiens », sur laquelle leurs dirigeants misent, du moins pour le moment, s’exprime le plus clairement dans la conduite d’actions politiques concertées avec des représentants de « mouvements masculins » radicaux et misogynes, qui ont quitté l’Ukraine avant ou après l’invasion à grande échelle, et qui se concentrent sur la promotion de leurs propres narratifs (notamment pro-russes) sur le territoire de l’UE et dans les milieux d’émigrants russophones.

 Ces « activistes » tentent de toucher leur « auditoire cible » resté en Ukraine, mais on ignore dans quelle mesure ils y parviennent réellement, car les principaux canaux médiatiques à leur disposition restent des plateformes russes. Ainsi, Sergueï Khorolski et Andreï Konovalov sont devenus les principaux porte-paroles et experts du film documentaire d’Andreï Rudogo « L’Ukraine et la mobilisation : objecteurs, déserteurs, arbitraire du recrutement », diffusé sur la chaîne [Вестник бури] (L’annonciateur de la tempête) [Le nom de ce canal renvoie au nom du missile russe qui fait actuellement la une des médias, NDT].

https://blogs.mediapart.fr/patricio-paris/blog/031125/ukraine-russie-textes-qui-accablent-la-pretendue-gauche-post-sovietique